Témoignage
de Anne, proche de joueur:
Nous
nous connaissons depuis huit ans. Dès les premières
semaines, il m'a avoué qu'il jouait. Soucieuse de comprendre
un monde que je ne connaissais pas, je l'ai accompagné
un soir au casino. Je voulais décrypter ce langage
des machines qui attire les joueurs à elles.
Cette
expérience fut terrible et je revois encore cette scène
comme si elle s'était déroulée hier.
Mon ami cherchait du regard un endroit stratégique
susceptible de lui rapporter gros. Puis d'un pas guilleret
et enthousiaste il fit plusieurs fois le tour de la salle,
repérant les machines qui affichaient de gros montants.
Il finit pas s'installer devant l'une d'elle, qu'un joueur
exaspéré venait d'abandonner. Satisfait de son
choix, il me lança un regard complice et malicieux,
me faisant comprendre que celle-ci n'avait pas « tout
donné » et qu'elle allait payer.
Emprunt d'une gaieté débordante, il incéra
les premières pièces d'un petit budget fixé
pour la soirée.
Malheureusement,
la situation tourna vite au drame. Le comportement de mon
ami se transformait au fur et à mesure que la somme
diminuait. Irrité par le peu de résultat, il
tapait de plus en plus fort sur les touches. Il soupirait,
jurait.
Ses yeux hypnotisés par l'écran n'avaient plus
du tout la même expression. Son front brillait, il allumait
cigarette sur cigarette.
La
partie terminée, il s'est tourné vers moi le
regard suppliant... « encore ....encore » ! Il
voulait jouer encore, persuadé de pouvoir « se
refaire » !
Je
tentai de le dissuader. Mais rien à faire, il ne voulait
pas partir sur un tel échec. Je finis par céder
et retirai quelques billets pour prolonger la soirée.
Ce fut pire. Il avait changé de machine et le résultat
fut encore plus désastreux. Rivé sur son siège,
le regard dans le vide, le teint blême, il ne voulait
pas partir. Je tentais maintes fois de le persuader de quitter
cet endroit, mais il ne m'entendait plus. Il était
pris de panique par la perte de tout cet argent et ce minable
résultat, il voulait à tout prix refaire une
tentative.
Je
me suis fâchée. Voyant que les mots n'y faisait
rien, j'ai tiré sur la manche de son blouson pour qu'il
se lève. Face à son refus, j'ai hurlé,
attirant l'attention des gens.
Enfin
arrivé à la voiture, harcelée de reproches,
je me suis installée au volant.. Lui, à côté
de moi, ressemblait à un petit pantin. Les yeux hagards,
submergés d'une effroyable tristesse, comme si la terre
s'était écroulée sous ses pied ....
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